Thème : Habitat et écologie des espèces :
Nous présentons ici les fonctionnalités écologiques des habitats fortement anthropisés, dans une zone humide pour trois espèces paludicoles et dans la pinède cultivée des Landes de Gascogne pour une autre.
Nous présentons ici les fonctionnalités écologiques des habitats fortement anthropisés, dans une zone humide pour trois espèces paludicoles et dans la pinède cultivée des Landes de Gascogne pour une autre.
- Phragmite aquatique
- Gorgebleue à miroir
- Bouscarle de Cetti
- Fauvette pitchou
Le Phragmite aquatique Acrocephalus
paludicola, espèce nicheuse dans les marais mésotrophiques de l’Europe de
l’Est, est devenu mondialement menacé par la perte de ses habitats, détruits
principalement par le drainage et l’intensification agricole. En complément des
restaurations des sites de reproduction, il est aujourd’hui important
d’identifier les menaces qui pèsent sur les haltes migratoires et de les
préserver pour la survie de l’espèce au cours de son long voyage vers les zones
d’hivernage africaines. La France, accueillant la population mondiale durant sa
migration, développe des actions de recherche et de conservation. Dans ce
cadre, la sélection de ses habitats et sa stratégie d’occupation spatiale ont
été étudiées sur une halte migratoire du sud-ouest de la France, dans
l’estuaire de l’Adour. Pour cela, 12 individus ont été équipés d’émetteur et
radio-suivis jusqu’à leur départ du site, en août et septembre 2011. Les
données ont été analysées en relation avec une cartographie des habitats du
site. Les Phragmites aquatiques exploitent des surfaces en moyenne de 1.39 ha ±
0.85 (Kernels 90%) et se concentrent sur de petits domaines en moyenne de 0.48
ha ± 0.32 (Kernels 50%). Ils sélectionnent préférentiellement la Phragmitaie cariçaie (Phragmites australis, Carex sp) et la
Phragmitaie pure (Phragmites australis).
Les oiseaux semblent s’adapter relativement rapidement à
une nouvelle mosaïque d’habitats
acceptant moins d’humidité en phragmitaie, mais ce facteur d’humidité devient
prépondérant dans l’utilisation de l’espace sur une zone agricole parcourue par
un réseau de canaux et de fossés de drainage. Ces micro-habitats, linéaires
humides de Caricaie ou Phragmitaire cariçaie, présentent des conditions
d’accueil favorables, permettant même à l’espèce de prospecter les habitats
adjacents atypiques, tels que les cultures de céréales ou les prairies de
fauche. Les Phragmites aquatiques utilisent les Barthes de la Nive comme une
halte de courte durée en exploitant des petites surfaces. Cette tendance peut s'expliquer par des
caractéristiques propres au site : des surfaces favorables relativement faibles
et une localisation en aval de grandes haltes (Gironde, Loire, Seine….) lui
permettant d’accueillir des oiseaux avec des réserves énergétiques
partiellement constituées. La menace principale du site est la colonisation
d’une espèce invasive, l’érable négundo (Acer
negundo) et des préconisations de gestion ont été établies sur l’ensemble
des habitats utilisés. Les premières actions de gestion ont été réalisées par
un gestionnaire nouvellement désigné : acquisitions foncières, lutte
contre l’érable négundo, diagnostics hydraulique et écologique. Les
phragmitaies étant des milieux rares dans le Sud-Ouest de la France et le site
des Barthes de la Nive unique dans les Pyrénées Atlantiques en font une
priorité de conservation.
Pour en savoir
plus:
- Fontanilles
P., Laval B. & Diribarne M., 2014. Sélection des habitats et
occupation spatiale du Phragmite aquatique Acrocephalus paludicola sur
une halte migratoire du sud-ouest de la France, mise en place d’une gestion
intégrée. Alauda, 82(4): 343-351. PDF
Autres articles
publiés ou communication sur l’espèce :
-
Arizaga J., Andueza M., Azkona A., Dugué H., Fontanilles P., Foucher J.,
Herrmann V., Lapios J.M., Menéndez M., Musseau. R., Unamuno E. & Peon P., 2014. Reed-bed use
by the Aquatic Warbler Acrocephalus paludicola across the bay
of Bisacy during the autumn migration of 2011. Alauda, 82: 343-351 PDF
-
Arizaga J., Mendiburu A., Andueza M., Fontanilles P., Fourcade J.-M. &
Urbina-Tobias P., 2011. Deteriorating
weather conditions predict the use of suboptimal stopover sites by Aquatic
Warblers Acrocephalus paludicola. Acta Ornithologica,
46: 202–206. PDF
-
Fontanilles P., 2014. Exigence écologique du Phragmite
aquatique : habitats, menaces, gestion sur un site stratégiques pour
l’espèce, l’estuaire de l’Adour. Actes du séminaire "Conservation
des espèces et gestion des zones humides", Bayonne, 31 janvier 2014. PDF
Les zones humides sont des
habitats très productifs utilisés par de nombreuses espèces d’oiseaux comme
halte migratoire. Cependant, ces
habitats sont fortement menacés, impactés et réduits par les activités humaines
(changements d'usage des sols, assèchement, abandon, introduction d'espèces
exotiques envahissantes, réchauffement
climatique...). Une meilleure
compréhension de l'utilisation spatio-temporelle des zones humides et de leurs
zones environnantes par les oiseaux migrateurs est essentielle pour prédire
comment ces changements pourraient affecter leur écologie pendant leur
migration.
Nous avons choisi un passereau
généraliste, la Gorgebleue à miroir Luscinia
svecica, comme modèle pour comprendre comment les oiseaux migrateurs
exploitent une zone humide très anthropisée du sud-ouest de la France (Barthes
de la Nive) pendant la migration d'automne. Nous avons capturé et radio-suivi
29 jeunes Gorgebleue sur ce site, pour caractériser différents aspects de son
écologie et comportement, tels que temps de séjour, sélection de l'habitat et taille
du domaine vital. Nous avons également analysé le régime alimentaire et évaluer
les ressources trophiques en arthropodes de différents habitats.
Les gorgebleues ont
sélectionné positivement les roselières pures ou mixtes (associées au carex),
les prairies hydrophiles et les cultures de maïs. Les oiseaux séjournant plus
d'un jour, 8,4 jours en moyenne, utilisaient de préférence des cultures de
maïs. La superficie des domaines vitaux était en moyenne de 5,8 ha (Kernels 95)
et celle des zones de forte fréquentation était de 1,36 ha (Kernels 50) avec
une grande variation individuelle.
Les gorgebleues s'arrêtant
avec de faibles réserves énergétiques avaient des domaines vitaux plus grands
et utilisaient de préférence des cultures de maïs, des prairies humides ou
mésotrophes et des sentiers ruraux. Les roselières étaient généralement
utilisées en dortoirs pour la majorité des oiseaux, situés en moyenne à 397 m
des surfaces exploitées de jour. Les oiseaux séjournant de courte durée avaient
des réserves énergétiques plus élevées et limitaient leurs activités à un
domaine vital plus petit (1 ha) dans des roselières pures et mixtes. Le régime
alimentaire des gorgebleues était dominé par les fourmis, les araignées et les
coléoptères. Ces derniers étaient particulièrement abondants dans les cultures
de maïs.
L'utilisation de ces cultures
par les gorgebleues migrant en automne sur notre site d'étude semble une
solution raisonnable dans un environnement très altéré. Absence ou réduction
des insecticides dans les cultures, usage raisonné des engrais, et report des
récoltes après la mi-octobre sont deux mesures supplémentaires qui, associées à
une bonne gestion des parcelles de zones humides restantes, pourraient grandement
favoriser la Gorgebleue et d'autres espèces migratrices insectivores de cette
région.
Pour en savoir plus:
- Fontanilles P., De la Hera, I., Sourdrille K., Lacoste F., Kerbiriou C., 2020. Stopover ecology of autumn‑migrating Bluethroats (Luscinia svecica) in a highly anthropogenic river basin. Journal of Ornithology : 161:89–101 PDF
- Fontanilles P., De la Hera, I., Sourdrille K., Lacoste F., Kerbiriou C., 2020. Stopover ecology of autumn‑migrating Bluethroats (Luscinia svecica) in a highly anthropogenic river basin. Journal of Ornithology : 161:89–101 PDF
- Fontanilles P.,
2014. Migration et régime
alimentaire de la Gorgebleue à miroir dans les Barthes de l’Adour. Actes
du séminaire "Conservation des espèces et gestion des zones
humides", Bayonne, 31 janvier 2014. PDF
Bouscarle de Cetti (ph. Ph Fontanilles)
|
Déplacements postnuptiaux différentiels chez la Bouscarle
de Cetti Cettia cetti dans
deux roselières du sud-ouest de la France
Les déplacements postnuptiaux différentiels entre groupes d'âge et/ou de
sexe entraînent une ségrégation spatiale et peuvent conduire à l'exploitation
d'habitats différents par des individus d'une même population. L'afflux de
Bouscarles de Cetti dans les roselières en automne, majoritairement des
femelles de première année, est connu depuis longtemps mais ses modalités
précises sont incomplètement cernées. L'objectif de ce travail est d'évaluer si
l'utilisation des roselières après la reproduction est le fait d'individus en
transit, stationnant pour une brève durée, ou s'il s'agit d'une arrivée limitée
dans le temps et suivie d'un stationnement durable. Dans le premier cas, des
probabilités d'immigration et d'émigration élevées sont attendues : les oiseaux
sont alors très mobiles et se déplacent entre divers habitats (roselières,
marécages boisés, ripisylves etc.). Dans le second cas a
contrario, des probabilités d'immigration et d'émigration faibles
indiqueraient une plus grande stabilité de la population, avec une exploitation
soutenue des ressources de la roselière par les mêmes individus et donc un rôle
spécifique de cet habitat. Deux roselières ont été échantillonnées dans le
sud-ouest de la France : l'une sèche en automne, mixte et composée de petits
roseaux, et l'autre soumise aux marées et constituée de parcelles de grands
roseaux. Nous avons analysé des données quotidiennes de capture-recapture
obtenues pendant deux ans pour chaque roselière. L'analyse CMR n'a pas détecté
d'individus transients ni de renouvellement important des individus, mais des
arrivées principalement dans la première quinzaine de septembre et une
émigration très faible. Les roselières sont utilisées durablement après une
brève période d'entrées de la part d'individus en dispersion, représentés par
une majorité de jeunes femelles dans les deux sites. Nous interprétons cette ségrégation
comme une conséquence de la compétition intraspécifique. On note une proportion
plus élevée d'adultes dans la roselière sèche, plus semblable aux habitats
utilisés toute l'année, que dans celle inondée, inadaptée pour la reproduction
(roselière sèche : 27.6 % d'adultes avec un sex-ratio équilibré ; roselière
inondée : 11.7 % d'adultes dont 83.3 % de femelles). Ces résultats soulignent
l'importance des roselières comme habitat-cible en automne pour la Bouscarle.
Leur utilisation prolongée par les mêmes individus, surtout les jeunes
femelles, rend l'espèce vulnérable à la perte des roselières ou à leur
dégradation due à la croissance d'une végétation arbustive ou à l'absence d'une
gestion appropriée.
Pour en savoir plus:
- Fourcade J.M & Fontanilles P., 2019. Differential postbreeding movements of Cetti's Warbler Cettia cetti in two reedbeds in south-west France. Ringing and Migration 33:57-63 PDF
- Fourcade J.M. &
Fontanilles P., 2014. Détermination du sexe chez la Bouscarle de
Cetti Cettia cetti en automne dans le sud-ouest de la France.
Le Casseur d’Os 14: 110-118. PDF
La
Fauvette pitchou Sylvia undata, connaît
actuellement un fort déclin en France. Dans les Landes de Gascogne, elle occupe
des landes à ajoncs et bruyères, qui
succèdent aux coupes rases. Nous avons étudié une population nicheuse de
7 couples pour définir les domaines vitaux de plusieurs individus, leur
territorialité et leurs paramètres de reproduction par CMR Capture Marquage
Recapture sur deux années successives. Nous avons aussi bagué couleur et
contrôlé les individus en suivant un transect fixe. Les résultats montrent que
les femelles occupent un petit domaine vital de 0.57 ha en moyenne, tandis que
les mâles exploitent une zone de 1 ha en moyenne. Nous avons noté qu’ils
chevauchent largement les domaines de leurs congénères, en moyenne de 24 %,
montrant une certaine tolérance, alors que les femelles s’excluent
mutuellement. Les zones de plus fortes fréquentations représentent une surface
de 0.6 ha pour les mâles et 0.23 ha pour les femelles. Les domaines vitaux sont
ainsi fragmentés en 1 à 4 noyaux qui constituent le territoire défendu. La
population produit des jeunes qui s’envolent en juin. Elle connaît un
renouvellement important des reproducteurs et une faible fidélité au site
correspondant à une importante émigration/mortalité.
Ce fort turnover des populations oblige les individus à rechercher de nouveaux
espaces favorables. Cette stratégie apparaît adaptée et pertinente dans le
contexte actuel de sylviculture moderne et mécanisée du pin
Pour en savoir
plus:
- Urbina-Tobias P., Fontanilles P., 2018. Territorialité et domaine vital de la Fauvette pitchou Sylvia undata dans les landes de Gascogne. Alauda 86 (4): 261-278. PDF
- Urbina-Tobias P., Fontanilles P., 2018. Territorialité et domaine vital de la Fauvette pitchou Sylvia undata dans les landes de Gascogne. Alauda 86 (4): 261-278. PDF